Art contemporain

ART CONTEMPORAIN / EXPOLOGIE

Josèfa Ntjam à l’IAC : une exposition-fleuve

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 20 novembre 2025 - 490 mots

Il est dommage que le spectateur de l’exposition « Intrications », immersive et sensorielle, pâtisse d’un déplacement dans l’espace rendu malaisé par une signalétique insuffisante.

Villeurbanne (Rhône). Des esprits tutélaires des eaux et des forêts, évoluant dans un paysage cosmique jonché de planctons, de bactéries et d’astéroïdes : l’Institut d’art contemporain (IAC) embarque ses visiteurs dans une odyssée virtuelle hallucinatoire qu’ils ne risquent pas d’oublier de sitôt. Plus importante exposition personnelle de Josèfa Ntjam (née en 1992) à ce jour, « Intrications » réunit un impressionnant corpus d’œuvres produites entre 2020 et 2025. Photomontages, œuvres d’art vidéo, impressions 3D, création sonore et même jeu vidéo se déploient dans l’ensemble des espaces du centre d’art/Frac Rhône-Alpes (1 200 m2). Le livret, rédigé sous la supervision de la commissaire Sarah Caillet, regorge d’informations sur les références cultuelles, historiques et scientifiques de l’artiste – parmi elles, les cosmogonies d’Afrique de l’Ouest et les luttes anticoloniales camerounaise et guinéenne. Il insiste aussi sur la grande diversité de techniques qu’elle a expérimentées au cours de ses résidences à LVMH Métiers d’Art, à la manufacture de Jade (Sèvres) ou encore au laboratoire d’astrophysique Snolab, au Canada. Dans les vastes halles nord et sud de l’IAC, les délicates créatures mi-animales, mi-végétales obtenues par impression 3D en céramique, laiton et résine jouxtent un bestiaire des profondeurs mêlant impression 3D en métal, usinage CNC (commande numérique) et anodisation (traitement de surface de l’aluminium).

Josèfa Ntjam, Sanctuaire des pluies anciennes, 2025, vue de l’exposition à l’Institut d'art contemporain de Villeurbanne (IAC). © Ivan Erofeev © Adagp Paris 2025
Josèfa Ntjam, Sanctuaire des pluies anciennes, 2025, vue de l’exposition à l’Institut d'art contemporain de Villeurbanne.
© Ivan Erofeev
© Adagp Paris 2025
Une pénombre régnante

Revers de sa dimension sensorielle et immersive, le parcours souffre de nombreux problèmes d’accessibilité. L’ensemble des textes de l’exposition se trouvant dans le livret, les informations sont tout bonnement illisibles dans les nombreuses salles entièrement plongées dans l’obscurité, à moins d’utiliser la lampe torche de son téléphone. Plus ennuyeux, l’absence de signalétique de cheminement empêche de garantir une évolution spatiale aisée dans la pénombre et d’identifier les éventuels obstacles lors de son déplacement : les salles ne disposent en effet d’aucun balisage lumineux au sol, codage des portes et pictogramme rétroéclairé pour indiquer l’orientation du parcours. Cet impensé nuit particulièrement aux personnes en situation de handicap sensoriel et physique. Les services les plus élémentaires, comme les sanitaires, ne sont indiqués par aucun pictogramme fléché – impossible de les trouver sans demander son chemin à un agent d’accueil. De tels écueils semblent difficilement justifiables aujourd’hui, alors qu’un guide complet sur l’accessibilité des expositions et parcours de visite a été élaboré par le ministère de la Culture il y a près de dix ans.

« Intrications » questionne donc, malgré elle, les limites de l’immersion dans les expositions. Et, dès lors que les visiteurs ne jouissent pas de repères visuels à même de garantir une expérience de visite fluide et instinctive, les effets de style scénographiques, tels que l’évolution chromatique des murs pour sous-entendre un changement d’ambiance, paraissent bien superflus. C’est d’autant plus dommage que l’IAC aurait pu s’appuyer sur les savoir-faire de Josèfa Ntjam pour créer une signalétique fantaisiste qui aurait très bien fonctionné avec son univers hybride et foisonnant.

Josèfa Ntjam, Intrications,
jusqu’au 11 janvier 2026, Institut d’art contemporain, 11, rue du Docteur-Dolard, 69100 Villeurbanne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : Josèfa Ntjam à l’IAC : une exposition-fleuve

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